C'est par Bron que Lyon est entré dans la guerre. Jusqu'au mois de mai 1940, la bête immonde était restée lointaine, presque virtuelle, l'ennemi restant tapi derrière la ligne Maginot. Mais le vendredi 10 mai, la région lyonnaise bascule dans l'horreur. Alors que dans le même temps, l'armée allemande attaque la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, à Lyon et dans toute la banlieue, à 4 h 15 du matin les sirènes hurlent leur son lugubre. Immédiatement après, des détonations se font entendre à l'Est, mêlant les coups cadencés de la DCA (la défense anti-aérienne), et les explosions des bombes incendiaires lâchées par les avions nazis. La population, effrayée, se lève en toute hâte et gagne les abris aménagés dans les caves des immeubles. Dans le ciel, neuf bombardiers Heinkel se succèdent par vagues de trois. Leur objectif ? L'aéroport de Bron, où réside une flotte d'avions de chasse (le "GC III/9"), et où un très grand nombre de pilotes et mécaniciens de l'armée de l'air polonaise ont trouvé refuge, après l'invasion de leur pays en 1939.
Volant vers 2000 mètres d'altitude, les Heinkel déversent leurs bombes, une trentaine d'après certaines sources, ou entre 300 et 400 selon la presse de l'époque, qui détruisent une partie des hangars militaires et de l'aérogare civile. La ville de Bron n'est pas épargnée. Entamant une attaque des populations civiles qui allait caractériser la Seconde guerre mondiale, l'ennemi mitraille et bombarde aussi des fermes et des maisons. Les avions français et polonais décollent et engagent le combat contre les appareils nazis. La DCA parvient à toucher un Heinkel, qui s'écrase près de Pont-de-Chéruy. Après deux heures de ce déluge de feu, l'alerte est levée à 6 h 50. Les secours se ruent vers les bâtiments en flammes. Une nouvelle alerte survient l'après-midi, à 15 h 35, lorsque des bombardiers reviennent à Bron poursuivre leur sinistre travail, pendant près d'une heure. Les dégâts restent heureusement plus spectaculaires qu'importants. Par contre, on dénombre de nombreuses victimes civiles et militaires. Sur la base aérienne, 18 morts et 35 blessés, Polonais et Français confondus, sont sortis des décombres. En ville, une maison de la rue Jean-Lacroix, dans le quartier de Terraillon, s'effondre sur ses occupants, tuant sur le coup son propriétaire, Virgile Dubois, sa femme et un bébé. Les victimes de ces bombardements furent enterrées les 12 et 13 mai 1940, en présence des plus hautes autorités de la région, dont le maire de Lyon Edouard Herriot, qui n'avait pas manqué de se rendre à Bron sitôt l'alerte terminée. "Chacun avait le sentiment que ce qui s'était passé était jusqu'à présent peu de choses, au regard de l'immense, de la gigantesque et de l'effroyable tragédie où se joue maintenant le sort des démocraties du monde", concluait un reporter du Progrès. Et de fait, les 1er et 2 juin 1940, juste avant la débâcle des armées françaises, les avions nazis reviennent bombarder la base aérienne, le fort et notre ville, faisant au moins 8 morts.
Dépourvue d'usines stratégiques et de gares de triage, Bron a au moins la chance d'échapper aux pilonnages massifs qui frappent Vénissieux et Lyon au printemps 1944, et tuent plus de 700 personnes. Mais l'aéroport, à nouveau, attire les bombardiers le 30 avril 1944. C'est pour ses pistes, ses hangars et ses casernements que le B17 baptisé "Ole George" a fait le voyage depuis l'Angleterre. "Ole George" appartient au 358e Bomb Squadron de l'US Air Force, la 358e escadrille de bombardiers de l'armée de l'air américaine. Lors du bombardement de Bron, cet avion est piloté par le lieutenant Jack Watson, avec comme copilote le capitaine Peter Packard, le commandant de la mission, et transporte 8 membres d'équipage. Leurs portraits nous sont parvenus. Ils posent avec leurs camarades de combat, devant leur bombardier. Le lieutenant Watson se tient debout, juste à côté de la mascotte de l'escadrille. Son visage montre son jeune âge : ce pilote de guerre doit à peine avoir 25 à 30 ans.
Depuis leur citadelle volante, Watson et Packard observent les fleurs de feu qui jaillissent du sol. Leurs nuages de cendres et de flammes commencent dans les champs de Saint-Priest, là où se dressent aujourd'hui les magasins de la Porte des Alpes. Puis ils traversent la route nationale 6 et se poursuivent en vagues sur l'aéroport, touchant de plein fouet les hangars, les avions, la piste, les hommes. Les bombardiers ont atteint leur cible sans coup férir. En bas, c'est l'enfer. Larguées depuis 6000 mètres d'altitude par les 114 avions B17 de la mission, 555 bombes de 500 kilos pulvérisent l'essentiel des installations militaires et une partie de l'aérogare civile. Les dégâts s'étendent aussi hors de la base, avec 45 maisons totalement ou partiellement détruites, et 47 autres plus légèrement atteintes. L'école de l'avenue Ferdinand-Buisson et l'église Saint-Denis sont également touchées. Le bombardement fait évidemment des victimes. Leur nombre sur la base n'est pas connu ; elle abritait beaucoup de soldats allemands. Dans la ville, deux civils décèdent. La scène n'a duré que 14 minutes. Puis les avions repartent vers l'horizon.
Le résultat du bombardement du 30 avril 1944 fut estimé "très bon" par les Alliés. Pourtant, le lundi 14 août, les B17 américains reviennent achever leur travail. Détruire toute possibilité d'envol depuis l'aéroport de Bron est alors d'une importance majeure car le lendemain, mardi 15 août 1944, les armées alliées doivent débarquer en Provence, pour ouvrir un deuxième front après le débarquement du 6 juin en Normandie. Pour ce dernier bombardement, l'US Air Force met le paquet. Un peu avant midi, 108 avions B17 larguent près de 3500 bombes sur la piste de l'aéroport et sur les installations rescapées du bombardement précédent. De l'immense hangar Caquot qui faisait la fierté de la base, et des dix grands hangars aux toits en arc de cercle qui entouraient la piste gazonnée, juste en face de l'endroit où vous vous trouvez maintenant, il ne reste plus que ruines. Ou presque : seuls subsistent les deux hangars que vous pouvez voir à proximité du magasin Castorama. Construits entre 1925 et 1927, ils comptent aujourd'hui parmi les plus anciennes installations aéroportuaires de notre pays.
Pour aller à l'étape suivante :
- Revenir en direction de l’Hôtel de Ville en longeant l’avenue Général de Gaulle
- S'arrêter devant le monument commémorant les massacres de 1944 après l’Ecole de Santé des Armées.